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Florin Aftalion : « La trahison des Rosenberg »Editions Jean-Claude Lattès (2003)
Florin Aftalion est économiste et professeur de finances à l’ESSEC. Il a publié de nombreux livres dont « L’économie de la Révolution française » qui fait autorité. Il a également co-fondé et dirigé la prestigieuse collection « Libre échange » aux Presses universitaires de France. Son dernier livre publié n’a rien à voir avec l’économie puisqu’il est consacré à « l’affaire » Rosenberg qui a donné lieu à un véritable psychodrame au début des années 50.
En 1950, deux citoyens américains juifs sont accusés par le FBI d’espionnage au profit de l’URSS. Julius et Ethel Rosenberg puisque c’est d’eux qu’il s’agit, auraient transmis aux Soviétiques des informations concernant les recherches sur la bombe atomique qui étaient alors menées à Los Alamos au Nouveau-Mexique. Protestant de leur innocence, les époux Rosenberg seront jugés en 1951, condamnés à mort et finalement exécutés en 1953.
L’histoire pourrait être presque banale si cette affaire n’avait été utilisée par les communistes et leurs alliés pour une de ces campagnes de désinformation dont ils avaient alors le secret. Tout au long des années 1952 et 1953, une campagne mondiale va être menée pour exiger la grâce des condamnés et pour fustiger les Etats-Unis. On prétendra que les Rosenberg sont innocents, que cette affaire révèle l’antisémitisme latent des Américains (alors que le juge qui les a condamnés est lui-même juif), que les Etats-Unis sont devenus fascistes, bref, tout sera bon pour salir l’image de ce pays. En France, un grand rassemblement organisé au Vélodrome d’Hiver à Paris sera le point d’orgue de cette campagne.
Le livre de Florin Aftalion a le mérite de rappeler tout cela à la lumière des nouveaux documents de l’époque aujourd’hui disponibles tels les archives du FBI rendues publiques en 1975 et les archives du KGB que des historiens ont pu consulter de 1993 à 1996. D’autres documents sont utilisés comme les archives de la NSA et les livres de mémoires rédigés par plusieurs anciens espions soviétiques.
Il apparaît que les Rosenberg étaient bien des espions, qu’ils étaient bien membres du Parti communiste américain (le « CPUSA ») et que les informations qu’ils ont transmises à leurs maîtres soviétiques ont été appréciées et utilisées.
Plusieurs éléments très intéressants de la mentalité communiste sont bien mis en évidence dans cette affaire. Et d’abord l’incroyable entêtement des Rosenberg. S’ils avaient parlé, ils auraient très probablement sauvé leur vie. Dans le cas d’Ethel, quand même moins impliquée, le fait est certain. Il ne faut pas oublier qu’ils avaient deux enfants qu’ils ont ainsi d’une certaine façon en choisissant la mort, abandonnés...
Ce n’est que plusieurs mois après leur arrestation et rassurés sur leur volonté de garder le silence à tout prix que les communistes américains et les soviétiques prendront la tête de l'incroyable campagne anti-américaine dont je parlais plus haut.
Intéressant aussi, le comportement des autorités américaines après la Seconde Guerre Mondiale. Les services de renseignement américains ont été très efficaces dans la lutte contre les Allemands et contre les Japonais. En revanche, les Etats-Unis ont été une véritable passoire pour les espions communistes. Ce n’est que peu à peu dans les années d’après-guerre que les Américains vont réaliser l’ampleur de la pénétration communiste sur leur territoire.
La lutte contre l’espionnage soviétique sera malgré tout entravée par les sympathies que beaucoup d’Américains éprouvent pour l’URSS de Staline et par la volonté des administrations démocrates de ne pas reconnaître qu’elles ont pendant des années péché par naïveté...
Florin Aftalion a écrit là un livre très intéressant et utile en ces temps où la réhabilitation de l’URSS est à la mode et où la « Guerre froide » est couramment vue comme l’expression d'une prétendue hystérie anticommuniste des Américains.
Sylvain
P.S. : quand les éditeurs français se décideront-ils à mettre systématiquement un index à la fin des livres qu'ils publient ?
Liens :Présentation de ce livre dans le magazine « Historia » par Eduardo Mackenzie.Les excellentes « Chroniques américaines » de Florin Aftalion.Autres références :1 :
« Les Rosenberg devaient-ils mourir ? » par Schofield Coryell in « Le Monde diplomatique » de mai 1996. Article extraordinaire et représentatif de ce que peuvent dire encore de nos jours des gens qui se sont trompés pendant cinquante ans, qui se sont fait manipulés, qui ont aimé ça et qui sont incapables de le reconnaitre aujourd’hui.
2 :
« Les Rosenberg étaient coupables » par Rémi Kauffer in Historia Spécial n°44 : « Révélations des archives soviétiques » (Novembre/Décembre 1996) ;
3 :
"Culpabilité des Rosenberg : la fin du doute", une présentation du livre de Florin Aftalion par Eduardo Mackenzie, in Historia n°682 (Octobre 2003).