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Murray Rothbard : « L’éthique de la liberté »Edition Les Belles Lettres (1991).
Edition originale : « The Ethics of Liberty », 1982, nouvelle édition en 1989.
Traduction : François Guillaumat et Pierre Lemieux.
Et voilà, je m’attaque à l’un des classiques de la philosophie politique libertarienne (il fallait bien que ça arrive).
Cet ouvrage est donc une tentative pour fonder philosophiquement et en Droit la Liberté.
La première partie est consacrée au « Droit naturel ». Il s’agit de la partie la plus abstraite, la plus proprement philosophique aussi. Murray Rothbard réaffirme l’existence d’une « nature humaine » qui est à l’origine d’une éthique objective de la Liberté. A noter que le concept de « nature humaine » a été redécouvert et réhabilité par les découvertes des sciences cognitives.
Il explique également la différence et l’opposition entre le « droit positif » que nous connaissons et le « Droit naturel » qui est le seul droit juste.
La deuxième partie est le morceau principal de cette « Théorie de la Liberté ». L’auteur définit les droits de propriété légitimes et l’échange volontaire avant d’examiner des problèmes concrets comme la légitime défense, la propriété de la terre (problème fondamental dans certains pays), l’information, etc.
Il s’attaque également à des problèmes difficiles comme les droits des enfants et critiquent violemment des thèmes à la mode comme les prétendus « droits des animaux ».
L’ensemble offre un panorama théorique impressionnant et se veut optimiste dans la possibilité d’inscrire concrètement les idées de la révolution libertarienne.
La troisième partie est consacrée au problème de « l’Etat contre la liberté ». Tout est dit, l’Etat est par définition liberticide, fondé sur la violence et le mensonge, il n’a aucune légitimité. Court mais efficace... et tellement vrai ! La solution est donc nécessairement la suppression totale de l’Etat, toute tentative d’établissement d’un « Etat minimal » étant vouée à l’échec car tout Etat a d’abord pour fonction de se protéger lui-même et, ensuite de grossir le plus possible.
Dans une quatrième partie, M. Rothbard examine des théories de la Liberté élaborées par d’autres auteurs. Parmi eux, sont ainsi sévèrement critiqués Von Mises, Hayeck et Nozick.
Dans une trop courte cinquième partie, l’auteur esquisse ce que serait une stratégie pour faire advenir la société libertarienne de ses rêves, ce qui ne sera pas une mince affaire. Il s’agit bien d’un projet révolutionnaire et Rothbard examine d’ailleurs brièvement certaines caractéristiques des mouvements marxistes.
Je voudrais mentionner deux points qui me paraissent soulever des difficultés :
1 : Dans le chapitre 14 (deuxième partie), l’auteur pose le problème du Droit concernant les enfants.
Les parents sont-ils vraiment « propriétaires » (même avec des limites) de leur(s) bébé(s) comme l’affirme Rothbard ? L’avortement est-il vraiment légitime ? Je n’en suis pas sûr. Mais il est vrai qu’il faut toujours soigneusement distinguer ce qui relève du Droit de ce qui relève de nos propres préférences morales.
2 : Dans le chapitre 25 (troisième partie), Murray Rothbard examine le problème des relations internationales entre Etats et trouve bon tout ce qui peut affaiblir l’Etat qui nous opprime. Il trouve normal la lutte en faveur du désarmement nucléaire en donnant comme raison que l’usage de telles armes est injuste car ne permettant pas de cibler les agresseurs et uniquement eux. Je regrette qu’il n’examine pas le cas historiquement avéré où l’Etat dont nous sommes victimes est en concurrence avec d’autres Etats qui oppriment beaucoup plus durement leur propre population et ne demandent qu’à élargir le cercle de leurs victimes. Le premier résultat d’un désarmement nucléaire unilatéral des Etats-Unis dans les années 40 à 80 aurait été un renforcement du communisme mondial et peut-être sa victoire définitive. La question mérite au moins d’être posée.
Ce livre est passionnant de bout en bout, il remet en cause radicalement toutes les idées qui nous entourent. Murray Rothbard peut paraître un peu extrémiste mais il est cohérent et ses raisonnements sont solides. Une lecture indispensable.
P.S. : je remercie mélodius de son insistance à recommander la lecture de ce livre. Il s’agit vraiment d’un « classique ».
Sylvain