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Jasmin Guénette : "La Production privée de la sécurité"Sous-titre : "A propos de l'argumentation libertarienne et anarcho-capitaliste".
Éditions Varia, collection "Sur le vif" (2005).
Jasmin Guénette est québécois. Il est titulaire d’une maîtrise en sciences politiques de l’Université du Québec à Montréal et travaille actuellement à l’Institut économique de Montréal. Il participe par ailleurs au webzine libertarien
« Le Québécois libre », une référence pour les libertariens francophones.
Il a publié en novembre dernier ce livre intitulé « la Production privée de la sécurité ». Il s’agit en fait d’une introduction aux conceptions politiques libertariennes avec une insistance particulière sur le problème de la sécurité et des fonctions de police telles qu’elles pourraient s’exercer dans une société libertarienne.
Jasmin Guénette examine successivement les arguments avancés par les grands auteurs inspirant cette philosophie politique qu‘est le libertarianisme et qui militent en faveur d‘une privatisation des fonctions de police.
Sont ainsi successivement présentés les arguments tirés du Droit naturel (exposés par Gustave de Molinari et Murray Rothbard), les arguments utilitaristes (développés par David Friedman), les arguments épistémologiques qui démontrent qu’un système centralisé ne peut pas réunir les informations suffisantes qui lui permettraient de fonctionner efficacement (Ludwig Von Mises, Friedrich Hayek et Randy Barnett), la critique de la démocratie qui permet
par définition à certaines violences illégitimes de s’exercer (Pierre Lemieux) et l’argument économique qui montre que tout système étatique en plus d’être inefficace est très coûteux.
Jasmin Guénette poursuit en examinant le cas controversé de l’Islande médiévale qui pendant plusieurs siècles a connu un système privé de police et de justice avant de conclure sur les conceptions très particulières de Robert Nozick qui partant d‘une situation d‘anarchie imagine qu‘un État minimal pourrait légitimement apparaître.
Ouvrage intéressant donc, un peu « fourre-tout » mais qui peut sans doute être un bon aide-mémoire ou une bonne introduction pour des lecteurs désireux de découvrir les conceptions libertariennes. Le choix d’insister sur le problème de la sécurité est judicieux car il s’agit effectivement d’un sujet crucial.
Je regrette cependant que les auteurs mentionnés ne soient pas un peu plus hiérarchisés. Il me semble difficile par exemple d’accorder autant d’importance à Robert Nozick (un auteur quasiment illisible qui en arrive finalement à justifier l’existence d’un État, ce qui est le comble pour un auteur libertarien) et Murray Rothbard ou David Friedman qui sont autrement plus intéressants. L’effet de mode qui a joué dans certains milieux universitaires en faveur de Nozick explique sans doute cela.
Il est dommage également que les nombreuses citations d’auteurs anglophones qui émaillent cet ouvrage ne soient pas traduites. Ce n’est peut-être pas un problème au Québec d’où ce livre nous arrive mais c’en est un ici en France...
Mais ne faisons pas trop la fine bouche, les livres libéraux ou libertariens sont suffisamment rares en français pour que l’ouvrage de Jasmin Guénette ait sa place dans toute bonne bibliothèque.
Sylvain
P.S. : pour se fournir ce livre quand on habite en France, il faut faire preuve de patience. J’ai commandé mon exemplaire sur
amazon.fr le 2 décembre 2005, je l’ai reçu dans ma boîte aux lettres le 2 mars 2006. Il m’a coûté 18,19€.
Extrait :« Au-delà des discussions sur les conséquences de la vie dans l’état de nature ou sur les avantages réels - ou perçus - de la concurrence entre services de police comparativement au monopole de ces services, l’une des caractéristiques les plus marquantes des arguments libertariens demeure une grande foi en l’être humain. Même s’ils se font confisquer une partie importante du fruit de leur travail, les hommes réussissent à créer, dans le monde industrialisé, beaucoup de richesses. Malgré toutes les contraintes légales, ils innovent et s’adaptent aux problèmes qui les entourent. Bien qu’imparfaits, les hommes sont ingénieux et, lorsqu’ils sont libres, ils peuvent mettre à l’œuvre tout leur talent et en faire profiter autrui. Ce qui cause les crises politiques et économiques actuelles, ce n’est ni l’individualisme, ni l’égoïsme, mais plutôt le dirigisme politique à outrance. »« La Production privée de la sécurité », pages 132 et 133.